#9 L'ange de la malchance

On parle beaucoup des anges et des démons. A la télé, au cinéma et dans les bouquins.
Je pense que tout le monde a bien comprit le principe : chez les uns comme chez les autres, on trouve des forts, des moins forts, des gros nuls et des super boss.

Mais, globalement, la seule chose qu'on sait d'eux c'est que ce sont des guerriers et qu'ils se mettent sur la gueule. Et pourtant, il y a les anges gardiens ...

Du coup, il est fort probable qu'il y ai aussi des anges cuistos, des anges inspecteurs des impôts, des anges de toutes sortes en fait.

Si je ne suis pas sûr de mon coup pour ces derniers, il y en a UN, en revanche, dont je connais l'existence, et celui là est un ROGNETUDJU DE SALIGAUD, j'ai nommé ... L'ANGE DE LA MALCHANCE!

Alors, ce qui est valable pour les uns est valable pour les autres, du coup j'imagine qu'il y a des anges de la malchance hyper balèzes et qui s'occupent de choses très graves, mais aussi ( et surtout ) des petits mesquins chargés des basses besognes.

Et si je suis persuadé qu'ils existent, c'est que l'autre nuit, mon ange de la malchance personnel est venu me visiter...

Alors non, il n'est pas venu dans une gerbe d'étincelles, ni dans un éclat de lumière aveuglante. Il a juste atterri comme il a pu, c'est à dire en vrac.

Il faut dire que lui, c'est un cas un peu particulier, il n'a pas vraiment d'ailes, mais on y reviendra, car voici à peu prêt notre conversation.

--------

Je me réveille en sursaut au milieu de la nuit et, au loin, j'entends un bruit très léger qui me fait penser à celui d'un moustique. Et le bruit enfle, enfle jusqu'à ce que soudain, mon ange arrive et procède à son atterrissage, atterrissage digne de celui d'une poule d'ailleurs, qui aurait pu se terminer hyper mal.

Glissade sur le parquet et encastrage de gueule dans la commode de nuit.

K : Mais ... mais qui êtes vous ?!!
L'ange : BHHHEEEeeeeeeuuuuaaaaaaaa
K : Hey, ça va ?
L'ange : Ben pas trop en fait, il voit bien que je me suis mangé le guéridon
K : Ok, c'est super, mais ça me dit pas ce que vous faites dans ma chambre à 3 h du matin !
L'ange : Je suis venu pour lui parler ... je suis son ange !
K : Un ange ? L'ange de qui ?
L'ange : Le sien...
K : Le sien ... le sien à qui ?
L'ange : A lui !

Bon, là, j'me suis énervé, parce que moi quand on me réveille au milieu de la nuit, je suis un peu piquant.
Du coup, sous la menace d'un marron dans la tronche, il m'a expliqué que cette personne dont il me parlait, c'était moi.

K : Super, vous êtes mon ange. Et on peut savoir où elles sont, vos ailes?

A ce moment, l'autre fait un peu la gueule mais se retourne, et je vois qu'il a deux nageoires de pingouin plantées sur le dos.

K : Ah ben, oui, je comprends mieux! La grande classe, quoi!
L'ange : Bon ça va! Il va pas commencer à critiquer, hein ! C'est ce qu'on donne aux novices, elles poussent après, ça s'améliore quoi.
K : Et y a des cours de vol qui vont avec?

Oui, quand je suis mal réveillé, je suis de mauvais poil, et quand je suis de mauvais poil, je skud un peu... L'ange est devenu tout rouge, et vu qu'il est petit, gros et qu'il ressemble à frère Tuck dans robin des bois, c'était encore plus nul que tout.

L'ange : BREF ! Je ne suis pas venu pour ça, mais pour discuter!
K : ...
L'ange : Tout d'abord je me présente, je m'appelle Marcel.
K : Ahah super, de mieux en mieux!
Marcel : Ben quoi? Il trouve pas ça bien?
K : C'est surtout que moi je pensais que vous vous appeliez tous Gabriel, Kastiel, Uriel et compagnie, des prénoms qui pètent quoi. Parce que franchement, L'ange Marcel, ça daube un peu du cul.
Marcel : Non mais Marcel, c'est très noble hein. Il se souvient pas de Marcel Pagnol peut être?
K : Ah si, mais lui il avait quand même écrit trois ou quatre bouquins c'est comme Marcel Proust, on n'en rigole pas parce que ces mecs ont fait quelques chose, quand même. Vous, vous étiez quoi avant de devenir un ange et d'atterrir comme une bouse sur ma commode?
Marcel : J'étais boulanger.

( silence pesant ) 

K : Voilà, c'est nul. L'ange Marcel, ancien boulanger, je suis désolé mais ça vend pas du rêve. Moi j'aurai vu quelque chose d'un peu plus poétique comme ange gardien.

Et là, il s'est mis à gueuler d'un coup.

Marcel : JE NE SUIS PAS UN ANGE GARDIEN ! AH ÇA NON HEIN! JE NE SUIS PAS UN DE CES FRIMEURS QUI SE LA JOUENT ET QUI ...
K : Ok ok ok ...vous n'êtes pas un ange gardien .... mais vous êtes quoi alors?
Marcel : Moi, je suis ... un ange de la malchance.
K : ?
Marcel : un ange de la malchance. Mais un ange mineur hein, je ne m'occupe que des tracasseries du quotidien. En fait c'est moi qui décide de lui infliger ses petits malheurs ...

L'autre il me sort ça, comme ça, à sec et sans sourcilier. Donc là, reflex : BOUM, il se prend un pain, direct. Ah je n'en suis pas très fier hein, mais c'est parti tout seul. TAC, une beigne bien ajustée, en plein sur le museau. Bon, après, ça a un peu été le drame, puisque non content d'être pitoyable en vol, Marcel est aussi une pinne dans tout le reste y compris en défense. Je crois qu'il a voulu me lancer un sortilège ou un truc dans ce goût là mais il s'est emmêlé les saucisses et a trouvé le moyen de se cramer LUI MÊME le cul.

Une demi heure plus tard, nous parlons calmement. Moi assis sur le lit, et lui dans une bassine d'eau, par terre, avec un coton dans le nez. Et il boude un peu.

K : Franchement, Marcel... Que croyiez vous? Vous vous pointez au milieu de la nuit pour m'annoncer que c'est votre faute si je me coince le doigt dans la porte trois fois par jour et si je me banane au Mac do avec mon plateau dans les mains. J'ai toujours su qu'il y avait un anaconda caché sous le galet et je vous maudit depuis une éternité, sans vous connaitre!
Marcel : Non, mais c'est la première fois que je rencontre un humain depuis que je suis devenu un ange ...
K : Avec toutes les merdes qui m'arrivent chaque jours, j'aurai de quoi écrire un bouquin.
Marcel : Il écrit un blog, c'est déjà pas mal!
K : Ah Marcel, ne vous foutez pas de ma gueule en prime, hein !
Marcel : Non, mais c'est vrai, toutes ses petits tracas lui donnent une occasion de raconter des histoires.
K : Mais si vous êtes venu pour que je vous remercie, vous vous foutez le doigt dans le cul jusqu'à l'œil, hein! Comment ça se fait qu'il m'arrive beaucoup plus de galères qu'aux autres.
Marcel : Tout de suite ...
K : Vous allez me soutenir que c'est pas vrai, peut être? Ce matin encore je me suis tapé l'angle du coude sur le verrou de la porte d'entrée! Tous les jours y a un truc !
Marcel : C'est pour ça que je suis venu, je vais lui expliquer ...

Et il a tenté de m'expliquer ... Mais c'est surtout moi qui ai compris la triste réalité. Marcel était une bille en TOUT sauf pour ce qui était de porter la poisse. Une vraie patte de lapin à l'envers, le champion de la catastrophe minime, mais ça, il n'en était pas vraiment conscient. Il me raconta qu'il tentait de bien faire son travail. Moi, vu le cas social, je me suis dit qu'il devrait peut être arrêter de se concentrer et de m'oublier un peu, parce qu'à chaque fois qu'il voulait me faire subir quelque chose, Marcel trouvait le moyen de rajouter deux ou trois supplices en bonus, sans faire exprès.

Et je lui fis ( sévèrement ) part de mes objections.

Marcel (résigné ) : On en arrive donc au moment crucial, la raison de ma venu. On m'envoie lui demander si il désire changer d'ange.
K : On peut faire ça ???
Marcel : Oui, on possède quand même notre SAV, là haut!
K : Ah mais si c'est possible, carrément! Confiez moi à quelqu'un d'autre! Je n'ai rien contre vous, Marcel, mais c'est bon là, je crois que j'ai donné pour au moins trois vie. J'ai payé l'addition et le pourboire qui va avec, merci coco!
Marcel ( l'air triste ) : Bon...

Et là il a sorti un papier de sa poche, une sorte de formulaire à remplir, intitulé : " Transfert d'ange ". Il a gribouillé quelques trucs dessus avec un stylo ( et il a trouvé le moyen de percer la feuilles au moins 5 ou 6 fois ... MARCEL, EL BOULETO ! )

Marcel : Très bien, il signe et c'est bon.
K : GÉNIAL ! JE VAIS ÊTRE GUÉRI !
Marcel : Il est certain? Parce que je ne peux venir qu'une fois, hein. Après, c'est terminé jusqu'à la fin de sa vie !

Donc là, à ce moment précis, je me rappel parfaitement l'avoir insulté comme jamais j'ai insulté quelqu'un ( "casse toi connard", "tu pues", "ta race" etc etc, mais en mieux ) . J'ai signé son papier et l'ai envoyé se faire foutre, lui, son torchon, son stylo et sa boulangerie. D'ailleurs, comme il s'attardait, je l'ai aidé à décoller d'un coup de pieds dans le fion à lui en faire claquer les dents... Vous auriez fait pareil !

Et je me suis réveillé.

La chance avait tourné, Marcel repartit, je pouvais enfin vivre une vie normale et sans galère.
Enfin c'est ce que je pensais jusqu'à ce que je me lève.

Ce matin là je me suis cassé la gueule dans la douche et me suis planté une punaise sous l'ongle ( en enfilant un teeshirt ... )



Aujourd'hui, je suis sûr d'une chose : Marcel existe, et il a gardé mon contrat avec lui, le salaud !

Et ça se paiera !

K